Héméra : « Il ne s’agit pas d’un trouble psychiatrique »

Héméra est psychologue. Elle habite à Lausanne et expérimente des sorties hors du corps depuis qu’elle est enfant.

Tu sortais consciemment de ton corps avant l’âge de cinq ans…

Oui, cela a commencé par des sorties spontanées. Enfant, je dormais sur le ventre, et quand je m’endormais, je sentais que je me soulevais à l’horizontale : je flottais au-dessus de mon corps. Je n’ai pas de souvenir visuel précis, mais je filais en arrière et parfois je passais par la fenêtre de la chambre, puis je faisais une sorte de looping pour revenir atterrir dans mon corps. À cette période, je ne réalisais pas que je sortais de mon corps. Un autre phénomène se produisait souvent : dans ma chambre, il y avait une silhouette spectrale féminine, une apparition avec de longs cheveux. Je ne voyais pas son visage, c’était une forme évanescente. À cette période, je pense que mes perceptions étaient relativement « ouvertes », ce qui me provoquait des sorties de corps et me permettait de percevoir l’invisible. Après cela, j’ai déménagé et je n’ai plus vu cette femme aux longs cheveux. Par contre, j’ai commencé à faire des rêves lucides, et rétrospectivement, je me rends compte que je vivais probablement des états vibratoires : j’avais le sentiment que mon lit tremblait. Il m’arrivait aussi de « rêver » d’êtres étranges, au milieu de ma chambre. Aujourd’hui, je me demande si je n’étais pas en train de percevoir l’invisible. Dans mon cas, les sorties hors du corps ont toujours été associées à des perceptions de dimensions plus subtiles. Je ne me considère pas comme « médium », mais ces choses-là m’arrivent.

Quand as-tu réalisé que tu vivais des sorties hors du corps ?

À 19 ans. Je traversais une période où je n’étais pas très épanouie. J’avais la nostalgie de mon enfance. J’avais envie de refaire des rêves lucides. Alors j’ai fait des recherches sur internet et j’ai appris des techniques. Cela m’a pris un mois d’exercices et d’autosuggestion pour y arriver. J’ai fait plusieurs rêves lucides, puis de plus en plus, j’ai vécu à nouveau des expériences où je flottais au-dessus de mon corps. Avant cela, j’avais l’impression d’être dans un moteur à réaction, mon corps vibrait. Je ne voulais pas croire que c’était des sorties hors du corps… C’est en tombant sur un livre de William Buhlman dans une librairie que j’ai eu le déclic. En ouvrant le livre, je suis tombée exactement sur les symptômes de l’état vibratoire : je me suis retrouvée dans la description ! J’ai l’impression d’avoir été guidée vers ce livre, je l’ai tout de suite acheté. Par la suite, j’ai appris à provoquer des sorties. Mais je n’irais pas jusqu’à dire que je maîtrise le déclenchement du phénomène. Je sais seulement quelles sont les conditions à mettre en place et qui fonctionnent pour moi.

Tu as vingt ans d’expérience et des centaines de SHC à ton actif…

Oui, mais la plupart du temps, mes expériences sont assez simples : des sorties et rentrées sans folles aventures ! En fait, j’ai mis du temps à sortir de ma chambre. Au début j’avais très peur. Plusieurs expériences m’ont traumatisée, notamment un épisode de paralysie du sommeil lors de laquelle j’ai eu l’impression qu’un homme se jetait sur moi. J’ai donc dû apprendre à affronter mes peurs… Ensuite, je ne choisis pas toujours où je vais. Dès que je sors de ma chambre, j’ai l’impression de quitter le « monde physique ». Souvent, c’est en traversant un mur que cela m’arrive. Parfois, je traverse un tunnel et je me retrouve dans un autre endroit. On pourrait dire que j’arrive dans d’autres « versions » du monde physique. Sur ces plans, je me promène. Je vois des gens et je leur parle. Je leur demande ce qu’ils font. Parfois, nous communiquons différemment. J’ai du mal à l’expliquer. J’obtiens des informations que je n’arrive pas à traduire avec des mots. Depuis toujours, mon but est d’aller dans des « niveaux supérieurs », les « niveaux suivants », pour reprendre les termes de Buhlman, mais je ne pense pas avoir réussi. Une fois, j’ai vécu une expérience qui pour moi s’en rapproche : je me suis retrouvée dans un immense territoire dans le ciel, comme des rochers ou des plateformes qui flottaient. C’était un endroit paisible, reposant. Il y avait des fleurs ressemblant à des boules blanches de pissenlits. J’ai vu un vieux monsieur, il m’a tendu les mains. Je les ai prises et nous nous sommes laissés tombés de la plateforme et nous avons tourbillonné en volant, comme les parachutistes qui font des figures dans le ciel, puis je suis revenue dans mon corps physique. À l’inverse, je me retrouve souvent dans des mondes un peu glauques, avec des atmosphères lourdes et sales. Je m’enfonce dans mon matelas et je suis aspirée vers le bas. Je vais dans des souterrains qui sont « vibratoirement bas », à mon avis. Je pense que c’est en lien avec mon stress. Mon état d’esprit influence sans doute mes sorties…

Quelles évolutions as-tu constatées au fil des années ?

La fréquence de mes sorties a diminué. Durant mes années universitaires, je pouvais en faire une douzaine par mois environ, en plus des rêves lucides. Depuis que je suis dans le monde du travail, c’est très aléatoire. Cela varie beaucoup. À mon sens, c’est lié aux soucis engendrés par la vie d’adulte, ainsi qu’à notre mode de vie : avoir plein de choses sur le dos dont on se passerait bien… Depuis janvier 2022, j’ai fait seulement six sorties, ainsi que des expériences intermédiaires. C’est vraiment très peu et je le regrette. Je l’attribue au fait que j’ai été très accaparée par des événements qui m’ont pris beaucoup d’énergie. Si je ne peux pas cultiver un état méditatif au quotidien, j’emmagasine des tensions qui nuisent à mes tentatives. Cela influence aussi ma lucidité. Ma lucidité n’est pas toujours la même. Plus je médite, plus je remplis mon « réservoir de lucidité » et meilleure est ma sortie. Quand je parviens à faire une sortie directe (sans perte de conscience), il y a de très fortes chances pour que ma lucidité soit excellente dès le début. Mais il arrive que je la perde au cours de l’expérience ou qu’elle fluctue et diminue. Par exemple, mon ressenti devient plus « terne », plus « flou », moins « tangible ». Mon esprit est plus susceptible d’être soumis à des projections et l’expérience prend un caractère onirique. C’est mon plus grand problème : souvent, ma conscience finit par s’altérer et se dégrader.

En tant que psychologue, as-tu envisagé que tes expériences ne soient que des créations mentales ?

Eh bien… Ces expériences ont débuté bien avant que je sois psychologue, donc je me suis construite avec elles. Enfant, je voyais bien que des choses « invisibles » existaient. J’avais aussi le sentiment d’avoir existé ailleurs, avant cette vie. J’avais l’impression d’être plus vieille que mon âge et je contestais beaucoup l’autorité. J’ai toujours eu l’intime conviction que la vie sur terre n’est qu’un passage. Donc je n’ai jamais douté du fait que je peux exister indépendamment du corps physique et que les expériences de sorties hors du corps sont des expériences véridiques. Par contre, obtenir des preuves a été mon obsession durant des années. Je n’arrivais pas à obtenir de résultats satisfaisants. Il faut dire que j’ai beaucoup de challenge, car je peine à rester proche de la dimension physique. Dès que je passe un mur, je glisse ailleurs dans l’astral. C’est très frustrant, car j’aimerais pouvoir faire des vérifications directes (mais pas en allant espionner mes voisins, je précise. Je tiens à faire très attention avec le respect de la vie privée). Cela dit, à force de vivre des sorties hors du corps et des rêves lucides, j’ai obtenu suffisamment d’assises pour comparer les deux et faire des distinctions. Donc j’ai fini par lâcher prise… Je sais que je ne suis pas délirante. Il ne s’agit pas d’un trouble psychiatrique. Je me suis interrogée à ce sujet. J’ai entamé une démarche réflexive, de façon méthodique et pragmatique, et c’est ce qui m’a permis de me valider à moi-même que je suis saine d’esprit. Je reste terre à terre, ces expériences n’altèrent pas mon rapport au réel d’une façon délétère ou déstabilisante. Au contraire, elles renforcent ma sensation d’être connectée à ce qui est, et à quelque chose de plus vaste.

Oses-tu parler de tes sorties hors du corps à tes proches et tes collègues ?

Oui, j’en parle à mes proches, car d’autres personnes de ma famille vivent des expériences similaires, même si ça leur fait peur. Il y a peut-être un terrain familial. Ma famille m’a toujours acceptée avec mes fantaisies, je ne me suis jamais sentie censurée. Mes amis proches sont au courant. Pour les collègues, j’en parle de plus en plus, mais pas spontanément. J’en parle à ceux qui ont l’esprit ouvert et qui abordent ces sujets.

Quel a été l’impact de ces expériences sur ta vision de la vie ?

Déjà, ce sont ces expériences conscientielles qui m’ont amenée à vouloir étudier la conscience et à devenir psychologue… Ensuite, ça m’amène une énorme sécurité intérieure : plus j’avance dans ces expériences, plus je prends conscience de ma nature multidimensionnelle, du fait que la mort n’est pas une fin et que les liens avec les gens qu’on aime ne sont pas rompus à leur décès. J’ai aussi appris que la peur est une illusion, une forme de prison. Pour en sortir, il faut se donner les moyens de l’affronter car chaque petite peur est une entrave à notre liberté. Souvent, nous avons une vision limitée des choses, nous sommes bourrés de certitudes. Mais en se livrant à une introspection approfondie de ces certitudes, on réalise que beaucoup d’idées sont fausses et qu’il y a quelque chose de bien plus grand et plus profond que ce que prétend la vision matérialiste. Même si la vie est difficile, il y a un sens très profond à l’expérience humaine : on ne vient pas ici par hasard ni pour rien. Toutes les expériences que nous vivons nous font cheminer et progresser. Alors même si notre vie n’a pas de sens pour nous, en tant que personnalité terrestre, il y en a un à un niveau plus vaste. Pour moi, il y a une cohérence et une intelligence divine derrière tout ça. Je vois la vie comme une aventure spirituelle.

Propos recueillis par Julie E.

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