Comment accompagner les enfants aux facultés jugées « extraordinaires », telles que les perceptions médiumniques, les prémonitions, le magnétisme ou la réminiscence d’autres vies ? Docteure en littérature française, Myriam Bendhif-Syllas en a fait son nouveau métier après des années d’enseignement au sein de l’éducation nationale. En plus de donner des ateliers, elle est l’autrice de plusieurs livres pour les adultes ou la jeunesse, parmi lesquels : « Les perceptions intuitives des enfants et des adolescents ».
Durant ton enfance, tu avais des facultés extrasensorielles, que tu préfères appeler des « perceptions intuitives ».
Effectivement, j’avais des perceptions « intuitives » quand j’étais enfant, mais je les ai complètement oubliées en grandissant. Je me suis lancée dans un doctorat en littérature française puis je me suis consacré à l’enseignement. C’est seulement vers l’âge de 35 ans que j’ai récupéré mes perceptions après une rencontre inattendue avec une femme accompagnant des personnes perceptives. Au lendemain de cette rencontre, j’ai senti qu’une partie de moi était restée dans l’ombre toutes ces années, mais je ne savais pas de quoi il s’agissait. Je me suis mise à bouquiner et à m’entraîner. C’était un entraînement intensif, comme un sportif de haut niveau préparant les jeux Olympiques ! Pendant deux ou trois ans, je méditais et je faisais des exercices tous les matins. Par exemple, je faisais le vide pour voir si des choses apparaissaient dans mon esprit. Rapidement, des images sont apparues accompagnées d’un certain nombre de messages, c’était le début de ma clairvoyance. J’ai assez vite compris que je percevais des éléments pouvant correspondre à ce qu’on appelle « des vies antérieures ».
Ces expériences ont certainement bousculé ton esprit terre à terre…
Quand de tels phénomènes débarquent dans une vie, on peut facilement se retrouver déstabilisé. On se demande si on devient fou ou si notre imagination crée des mondes imaginaires. Avec mes habitudes de chercheuse, j’ai tout de suite pris des notes pour garder une trace et vérifier que je restais bien ancrée. Heureusement, mon entourage me rassurait sur ma santé mentale. Plus j’explorais mes propres facultés, plus je me sentais moi-même. C’est ce qui m’a encouragée à poursuivre. Peu à peu sont arrivés des contacts avec des défunts. Au début, je ne voulais pas vivre cela, mais j’ai changé d’avis après avoir reçu la visite de ma grand-mère maternelle. Elle s’est manifestée d’elle-même et m’a transmis un message pour ma maman. Je n’ai pas eu de doute sur le fait que c’était bien elle. C’est là que j’ai lâché prise, car je trouvais assez génial de pouvoir garder un lien avec les défunts, de cette façon-là. Quand des communications se sont faites pour d’autres personnes, comme des consultants, j’ai trouvé cela beau et riche en émotions. En fait, toutes ces expériences me font envisager l’existence différemment. Maintenant, je vois la mort comme la continuité de l’essence humaine qui est pour moi la conscience. La mort est une étape de la vie, une simple transition. Les expériences s’accumulant, j’ai obtenu de plus en plus de preuves personnelles. Ensuite, mes postulats se sont renforcés quand j’ai rencontré d’autres personnes partageant des expériences similaires. J’appelle cela des « preuves par la quantité ». Face à un nombre aussi important d’expériences « extraordinaires », nous ne pouvons pas être simplement de joyeux drilles qui s’imaginent des choses !
Tu as écrit un essai intitulé « Les perceptions intuitives des enfants et des adolescents », comment ce projet est-il né ?
Quand j’ai eu mon premier enfant. Dès sa naissance, il a manifesté des perceptions comme la capacité de percevoir l’invisible. Après lui, j’ai été confrontée à de plus en plus d’enfants dotés de perceptions intuitives. Au départ, je pensais que certains enfants avaient des dons et pas les autres. Mais plus j’avançais, plus les exemples se multipliaient autour de moi. J’ai fini par comprendre qu’il s’agissait d’un phénomène universel et que ces capacités sont tout à fait naturelles chez l’être humain. Pour certains enfants, elles se manifestent de manière innée, y compris chez des enfants très jeunes. Dans le but d’accompagner des enfants dans cette situation, j’ai cherché de la documentation, mais je ne trouvais rien de sérieux. Sur internet, les informations me paraissaient peu fiables. J’ai trouvé quelques pistes chez les anglo-saxons, mais pas assez terre à terre à mon goût : le contenu partait vite dans des considérations ésotériques. Moi, je suis très au clair sur le fait que ce sont des capacités humaines et qu’on peut s’en emparer d’une manière tout à fait rationnelle !
Dans ton livre, tu affirmes être « la rencontre d’un esprit d’analyse réflexif et d’une conscience intuitive avec des facultés extrasensorielles ».
La rationalité et la spiritualité ne sont pas incompatibles, alors que la plupart des gens les oppose. On peut être à la fois un esprit intellectuel, créatif et intuitif. D’ailleurs, l’être humain a tout intérêt à entremêler les apports de ces différentes capacités pour se sentir bien dans sa vie. En consultation, les gens sont souvent rassurés d’apprendre que j’ai l’esprit rationnel. Eux-mêmes ont souvent des doutes sur ce qu’ils perçoivent et je les rassure sur le fait qu’il est bien de douter tant que cela ne les paralyse pas. Douter est un signe que l’on prend du recul sur ce qui nous arrive. J’aime rappeler aux gens que leur partie rationnelle n’est pas un ennemi, mais un allié à apprivoiser. Nous devons réapprendre à quoi sert notre partie rationnelle, que la plupart des gens appellent le mental. Aujourd’hui, ce mot a pris une connotation négative. Dans les excès du développement personnel, on a décrété qu’il est mal d’avoir un ego et de laisser parler son mental. À partir de cette idée, des gens se mettent à explorer « l’autre côté » sans filet, c’est-à-dire sans les garde-fous de la raison. Pour moi, il y a un risque de perdre son discernement, c’est pourquoi j’essaie toujours de rester vigilante. Si une personne me donne des signaux qu’elle se coupe de sa partie rationnelle, je l’aide à revenir sur terre et à retrouver l’équilibre. Tout au long de ma vie, je me suis positionnée à un carrefour entre ces deux éléments : la raison et l’intuition. À mon avis, celui qui parvient à allier ces deux parts réalise ce qu’est véritablement l’être humain et qu’il a oublié depuis des lustres : un être à la fois rationnel et spirituel.
Penses-tu que la société puisse adopter un tel paradigme ?
Le paradigme actuel s’appuie sur les postulats de la science matérialiste. Avec les révolutions philosophiques, techniques et scientifiques du 18e et du 19e siècle, le monde est devenu rationnel. La science et la médecine se sont emparées de l’autorité réservée à l’église. Est vrai ce qu’affirme la science, est faux ce qu’elle n’affirme pas. La science est devenue la seule autorité à appréhender le réel. On est passé d’un paradigme à un autre, et tout ce qui déroge du dogme est considéré comme suspect. Toutefois, je pense que cette vision est en train de changer. Vraiment. Les chercheurs se penchent de plus en plus sur les EMI et des phénomènes de ce type. Ils apportent de plus en plus d’éléments pour affirmer que la conscience ne meurt pas lorsque le corps meurt. Dans le monde entier, il y a une mobilisation d’un certain nombre d’individus autour de ces questions, par différents biais et différentes prises de conscience. Chacun arrive au constat qu’on est dans une société où on a verrouillé des choses qui n’ont pas lieu d’être. Pour moi, la mort du cerveau est une étape pour la conscience. En acceptant ce postulat, on parvient à expliquer tout un tas de phénomènes, comme les déplacements dans le temps et dans l’espace, la réincarnation, la communication avec les disparus ou avec l’âme. Je pense qu’on est dans une période de transformation.
Pourtant, le corps médical a tendance à considérer les expériences exceptionnelles comme des « désordres mentaux » relevant de la psychiatrie.
Il y a une palette de réactions possibles. Pour l’écriture de mon livre, j’ai discuté avec différents médecins. Certains sont ouverts à cette dimension de l’être, mais ils m’ont aussi confortée dans l’idée qu’une bonne majorité de leurs confrères ne l’était pas. Le discours de ces derniers ressemble à : « tu vis quelque chose que je ne connais pas et que je considère comme un symptôme de maladie mentale. Selon ma typologie, tu es malade, donc je te soigne ». Cela dit, les besoins des personnes ne sont pas identiques. À un colloque sur les « entendeurs de voix », j’ai recueilli des témoignages de personnes qui ont ressenti la nécessité d’un suivi psychiatrique. Elles s’estimaient contentes, car cela les avait recadrées. D’autres avaient vécu leurs séances comme un abus du corps médical, qui voulait en passer par une médication. D’ailleurs, la médication a très peu d’incidence sur le phénomène vécu. C’est un leurre qui génère une perte d’estime voire de la dépression. De mon côté, je me questionne sur les personnes à qui on a collé une étiquette de type psychiatrique. Aurait-il été possible de les accompagner autrement ? Si ces capacités avaient été apprivoisées dès le départ, elles ne se manifesteraient peut-être pas d’une manière aussi violente, avec tant de souffrances. Il ne s’agit pas de renoncer aux apports de la psychiatrie mais d’envisager d’autres possibles, dans certains cas. En tout cas, de travailler ensemble pour le bien des personnes.
Donc la sensibilisation est importante…
Oui ! Une personne qui vit une expérience de mort imminente ou une sortie hors du corps peut être sous le choc si elle n’a jamais été sensibilisée sur ces sujets. Quand il y a une connaissance au préalable, l’expérience peut être vécue d’une manière beaucoup plus sereine. D’abord, la personne se sent moins seule et « anormale ». Une personne qui vit une expérience exceptionnelle part souvent du principe qu’il vaut mieux se taire pour ne pas passer pour le dingue de service. Dans les faits, des tas de gens ont des perceptions intuitives, mais ils n’osent pas en parler. Ces gens vivent un sentiment de marginalisation. Au fond d’eux, ils auraient besoin de partager leur vécu et sont heureux lorsque leur expérience est reconnue par d’autres.
Pour revenir au sujet initial, comment accompagne-t-on les enfants qui vivent des phénomènes extraordinaires ?
Pour moi il y a deux choses à ne pas faire : nier les perceptions de l’enfant et plaquer sa propre interprétation sur son vécu. Quand la parole de l’enfant est niée, il perd confiance en l’adulte et en lui-même. Sa peur est amplifiée par du chagrin. Il est bien de garder à l’esprit que l’enfant fait un effort quand il partage quelque chose de ce type : il sait que c’est particulier. Si on lui dit que ça n’existe pas, la prochaine fois que ça lui arrivera, il niera ses propres perceptions. Ce discours peut également contaminer d’autres formes de sensations et de perceptions qui font que l’enfant ne fera plus confiance à ce qu’il éprouve. Il peut alors se couper de son corps, de ses émotions et remettre en question tout ce qui vient de l’intérieur… ce qui est un vrai danger. Je l’ai observé plusieurs fois. À l’âge adulte, c’est un long parcours pour rattraper les dégâts. Ensuite, le fait de plaquer une explication sur le vécu de l’enfant est une autre attitude néfaste. Par exemple, dire à un enfant : « ce que tu décris est un rêve ou le fruit de ton imagination ». Même s’il n’a pas la même interprétation des choses, l’enfant va essayer de se conformer à l’idée de l’adulte qu’il considère comme l’idée juste. Il apprend donc à adopter l’idée de l’autre plutôt que de suivre sa propre idée, qu’il ne juge pas digne de confiance.
Au contraire, je crois qu’il est bien de laisser l’enfant venir à nous. S’il sent que sa parole est accueillie et entendue et qu’on lui laisse de l’espace pour mener ses propres réflexions, il aura confiance en l’expérience suivante et la partagera encore. C’est pourquoi il est important de ne pas mettre en doute la parole de l’enfant, même quand le parent a des doutes. Il est vrai que cela demande un effort d’ouverture de se dire qu’il est possible d’avoir des appréhensions différentes de la réalité. Ce qui compte, ce n’est pas de savoir si le phénomène vécu est réel, mais d’accueillir l’enfant dans ce qu’il vit et ce qu’il est. C’est une relation de confiance qu’il faut établir, avec pour objectif que son enfant se sente bien… Ce dernier point est important. Quoi qu’il arrive, nous devons rester vigilants quant à l’état général de l’enfant. Si un enfant est bien dans sa peau et que sa vie est équilibrée, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Mais si ses perceptions s’accompagnent de signaux inquiétants – un enfant qui ne joue plus, qui dort mal, qui n’a plus de copains – alors il est important d’agir : consulter le médecin de famille, un soignant ou bien des thérapeutes alternatifs adaptés à la situation.
Penses-tu que toutes les personnes puissent développer des capacités jugées « paranormales », comme la sortie hors du corps ?
Cela dépend du type de capacités. Sur le phénomène de la médiumnité, je suis convaincue que cela peut arriver à tout le monde et même sans entraînement. Par exemple, des capacités de médiumnité se déclenchent souvent à l’occasion d’un décès. Pour d’autres types de capacités, un entraînement est nécessaire et il peut donner différents résultats. Toutes les personnes ne sont pas égales. Certains peuvent avoir une faculté dominante comme la sortie de corps, tandis que d’autres vont faire tous les efforts possibles sans obtenir de résultats. De la même manière, certaines personnes ont beaucoup de magnétisme, d’autres pas. On ne peut pas tout avoir ! Chaque personne est unique et a des facultés qui lui sont propres. Quand je rencontre un consultant, il y a souvent une capacité qui est déjà en place, mais qui n’est pas à son maximum de potentiel. Beaucoup de perceptions ont besoin d’être stimulées pour être pleinement employées.
Que penses-tu des protocoles scientifiques visant à prouver ces phénomènes ?
Je pense que c’est une pierre à l’édifice, mais une pierre parmi d’autres. Je ne mettrai pas toutes mes billes là-dessus. Pour moi, c’est aux individus de se ré-emparer de l’expérience, sans chercher nécessairement une validation scientifique. Quand l’expérience apporte des preuves personnelles, la validation devient secondaire. Je trouve que la science avance plus lentement que l’évolution actuelle des individus, mais je ne suis pas opposée à l’idée de me plier à des protocoles!
Propos recueillis par Julie E.
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Le livre de Myriam : « Les perceptions intuitives des enfants et des adolescents »

