Sonia Barkallah : « Je suis sans cesse à la recherche de témoins »

Sonia Barkallah est réalisatrice, spécialisée dans les Expériences de Mort Imminente (EMI). A ce sujet, elle a organisé deux grands colloques internationaux en 2006 et en 2013. Elle est aussi la productrice et la réalisatrice du film Faux Départ sorti en 2010.En 2021, elle publie le livre « Et si cela vous arrivait ? », relatant ses propres expériences et des réflexions sur les EMI. Expérienceuse de la sortie hors du corps, elle a déjà participé à des protocoles scientifiques à l’ISSNOE et l’institut Monroe.


Peux-tu nous parler de ta première expérience de sortie hors du corps ?

Je me suis réveillée avec l’impression de flotter au-dessus de mon lit. J’étais près du plafond, j’observais ma chambre vue d’en haut. J’ai été attiré par ma chaîne hi-fi qui était en veille. En approchant, j’ai eu l’impression de générer des interférences. J’entendais des bribes de chansons, des phrases d’animateur qui se succédaient rapidement. Tout à coup, j’ai entendu une chanson de Goldman intitulée « Pas toi ». À la fin de la chanson, je me suis élevé au-dessus de mon lit, sans peur. J’avais l’impression d’être un ballon gonflé d’air qui rebondit dans les coins du mur de la chambre. Le lendemain, je suis allé au collège, en classe de quatrième. J’ai raconté cette expérience à ma meilleure amie de l’époque, qui s’appelait Malika. Elle s’est foutue de ma gueule. Elle a dit à la récréation : « Oyez, oyez, braves gens, pendant qu’on dort la nuit, Sonia sort de son corps et elle vole ». Tout le monde était mort de rire. J’ai compris qu’il fallait que je me taise. On me prenait pour « la mystique du groupe » car j’avais l’habitude de parler des histoires paranormales que je voyais à la télé. Ça me fascinait et me faisait flipper en même temps. Un jour, j’ai vu une émission sur Nicole Dron qui a vécu une expérience de mort imminente. Et dire que je l’ai rencontrée des années après… Elle est si lumineuse et fidèle à ce qu’elle a vécu.

À l’âge adulte, tu as découvert un livre sur la sortie hors du corps. Tu t’es aussitôt exercée.

Oui, je cherchais des informations sur les EMI et un jour je suis tombée sur un livre de Bernard Raquin : Vous pouvez sortir de votre corps. De mémoire, il donnait des techniques de relaxation. Il disait qu’on pouvait ressentir des vibrations et que la température du corps refroidissait lors d’une OBE. J’ai commencé à pratiquer les techniques pendant des journées entières. Il y a eu des périodes où je le faisais tout le temps, cela me fascinait. J’ai obtenu des sensations assez rapidement : des vibrations, mais surtout des visions. Des images me venaient. Une fois, j’ai vu un chien que j’entendais aboyer. J’ai regardé dans un dictionnaire des symboles : le chien est le gardien de l’au-delà. Je me suis dit que j’étais sur la bonne voie… Dans son livre, Bernard Raquin parle aussi d’expériences effrayantes. C’est vrai : je sentais des présences dans ma chambre, mais je pense qu’il s’agissait de projections de mes peurs. Parfois, j’avais l’impression de fusionner avec mon environnement. Je devenais aussi légère que l’air et je m’élevais dans la chambre. J’essayais de vérifier des choses, je n’y arrivais pas toujours. J’avais déjà la conviction que j’étais plus qu’un corps, mais je l’expérimentais par moi-même et cela me passionnait.  

Tu as participé à des expériences menées par Sylvie Déthiollaz à l’institut NOESIS (aujourd’hui ISSNOE)

Avant que je prépare mon premier colloque sur les EMI, Sylvie Déthiollaz m’a téléphoné pour que je participe à des protocoles. C’était avant les études avec Nicolas Fraisse. J’étais la première candidate. J’ai accepté car je voulais faire avancer la recherche. Comme j’arrivais à me décorporer régulièrement , je me suis dit que je pouvais tenter. Chez moi, je m’étais entraînée à percevoir des objets et des environnements, mais c’était difficile. Pour les protocoles, je devais me rendre des week-ends entiers à Genève. Sylvie Déthiollaz et Claude Charles nous demandaient d’aller dans une autre pièce séparée avec un rideau pour identifier des images projetées par un ordinateur. Quand c’était des figures géométriques, ça ne marchait pas. J’allais me balader dans le centre de Genève. Après cela, on s’est rappelé de ma première OBE avec Goldman, et on s’est dit que l’affect jouait un rôle. Sylvie et Claude m’ont demandé de leur donner 55 photos qui avaient une charge émotionnelle pour moi : des photos de ma famille, de mes amis, de mon premier amour. Ils en ont choisi 35 qu’ils ont diffusées de manière aléatoire. Ça a marché deux ou trois fois, mais statistiquement, ça n’a aucune valeur.

Dans ce cadre, tu as fait des tests avec EEG ?

Au CHUV de Lausanne, on m’a mis un Holter pendant 24 heures. L’appareil mesurait mes ondes cérébrales pendant la nuit, lorsque je tentais de sortir de mon corps. Le lendemain, le neurologue qui m’a placé les électrodes a constaté un fait intéressant : lors de mes SHC, le tracé montrait que j’étais en même temps « éveillée et endormie », ce qui était troublant. Le chercheur a dit qu’il reviendrait vers Sylvie avec les résultats, mais plus tard il a prétendu avoir perdu les tracés…

Tu as arrêté les sorties hors du corps suite à une expérience traumatisante.

Je continuais les expérimentations à la NOESIS et une tentative a viré au cauchemar. Je suis sortie de mon corps, mais en voulant le réintégrer, je n’ai pas réussi, comme si une partie de mon corps n’avait pas repris sa place. Je me suis sentie paralysée des mains et des pieds, j’étais pétrifiée. Finalement, j’ai paniqué, et en tentant de me calmer, j’ai réussi à revenir complètement. Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai aperçu Sylvie et Claude Charles, mais je ne les ai pas reconnus sur le coup. J’ai poussé un cri d’effroi qui les a fait sursauter. J’ai fini par reprendre mes esprits. J’ai refait une sortie le soir, mais cette fois, j’ai eu une hallucination à mon retour. Je me suis dit que ce n’était sans doute pas mon destin de jouer au cobaye et que je ferais mieux de m’arrêter. J’ai retenté des protocoles de sorties hors du corps des années plus tard à l’Institut Monroe, en Virginie. À l’aide d’un appareil électroencéphalographique – le Mind Mirror – je devais sortir de mon corps pour essayer d’identifier des cibles cachées. À un moment donné, j’ai perçu un ciseau en chrome assez classique. À mon retour dans le corps, Ross Dunseath m’a montré que la boîte contenait un sécateur ressemblant à une grande paire de ciseau. C’est très ressemblant dans la forme mais pas dans les détails. Je pense qu’en sortie hors du corps, il y a comme un filtre qui modifie les perceptions. Deux autres participants avaient vu le sécateur. L’institut Monroe a obtenu des résultats très impressionnant avec le Mind Mirror.

Aujourd’hui, la question des « perceptions véridiques » lors d’expériences hors du corps est au centre de tes préoccupations.

La partie transcendantale des EMI n’est pas du ressort de la science, car elle n’est pas vérifiable. Par contre la partie « décorporation » avec des personnes qui perçoivent des éléments à l’extérieur du lieu où elles sont peut être corroborée. Les chercheurs actuels recherchent les meilleures conditions pour comprendre les EMI et obtenir des vérifications. Par exemple, ils utilisent des cibles dans les hôpitaux ou à l’extérieur. Je travaille sur un nouveau film qui sera diffusé bientôt. Je m’intéresse aux témoignages corroborés, c’est-à-dire, les témoignages vérifiés par une tierce personne comme les soignants. Quelle valeur accorde-t-on à ces témoignages ? Ces témoignages ne sont pas des preuves, mais ils incitent les chercheurs à modifier leur hypothèse de départ : que ces expériences sont des hallucinations. Aujourd’hui, la science s’appuie sur la reproductibilité des phénomènes. La sortie hors du corps est reproductible, mais je trouve qu’elle est moins fiable lorsqu’elle est provoquée par un sujet. Peu de gens la maîtrisent à 100%.  Je pense que les études contrôlées sur les EMI, par exemple, avec des cibles, ont plus de chances d’aboutir. Il faut encore améliorer les protocoles, en prenant plus en compte l’affect. Je suis sans cesse à la recherche de témoins qui ont eu des perceptions véridiques lors d’une EMI.

 

Propos recueillis par Julie E.

Le GEC récolte des témoignages sur les sorties hors du corps (SHC), à des fins de partage et d’objectivation du phénomène. Vous souhaitez témoigner? Remplissez notre formulaire en ligne.

Le livre de Sonia : Et si cela vous arrivait ?

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