Jérôme Bourgine est né en 1959. Retraité depuis un an, il a été journaliste pour la presse écrite et le web. Écrivain, il est le premier journaliste en France à publier une enquête sur la sortie hors du corps : Le Voyage astral, paru en 1993 aux éditions du Rocher.
Comment est né ton intérêt pour la sortie hors du corps ?
Ça m’a toujours intéressé : les questions de transcendance, le fait que le monde matériel ne soit pas tout, qu’il y a d’autres dimensions… Mon père était médecin et très cartésien. Par contre, j’avais une grand-mère qui était ouverte à ça. Elle habitait à la campagne. Là-bas, certaines choses étaient courantes, comme les passeurs de feu. Quand on se brûlait, on allait chez eux, pas à l’hôpital, et ça fonctionnait. Une nuit, ma grand-mère a vécu une expérience avec un défunt. Son voisin venait de mourir. Il est venu la trouver dans un rêve pour lui demander de transmettre un message à sa femme : « tout s’est bien passé, je suis arrivé ». Ma grand-mère a mis trois jours avant d’oser en parler à sa voisine. Quand elle l’a fait, cette dernière l’a remerciée ! Elle lui a avoué qu’elle attendait un signe. Des années plus tard, la première femme que j’ai aimée est décédée. Je voulais savoir s’il existait un moyen d’entrer en contact avec elle. J’ai lu des choses sur le voyage astral, ça m’a intéressé. J’ai commencé à me documenter.
Le sujet t’a tellement passionné que tu as écrit un livre : « Le Voyage astral, enquête sur les voyages hors du corps ». Pourquoi cette initiative ?
Parce que j’ai l’esprit encyclopédique. Je ne trouvais pas de bon livre sur le voyage astral. Il y avait seulement des manuels pratiques, du type « sortez de votre corps en dix leçons » et quelques témoignages. J’ai décidé d’écrire le premier livre d’enquête sur le sujet, une enquête approfondie. À cette époque, j’ai lu tout ce qui existait sur ce thème, en français et en anglais. En vérité, ce n’était pas énorme. Y’avait deux ou trois exemples de gens connus comme Muldoon et Monroe. On connaissait surtout les expériences du début du siècle, parce qu’à cette période, ces choses-là étaient très bien admises. On étudiait même le corps astral à la faculté de médecine ! Après la deuxième guerre mondiale, on s’en est désintéressé. Ce sujet a été complètement rejeté, notamment en France. Je trouve que la France est un pays arriéré par rapport à d’autres. En Angleterre, il y a une chaire de parapsychologie à l’université d’Édimbourg où on étudie le voyage astral. Aux États-Unis, le budget de recherche le plus important est consacré à la médecine psychédélique qu’on étudie dans la Silicone Valley…
Pour ton enquête, tu t’es rendu au célèbre Institut Monroe aux États-Unis.
Oui, j’ai interviewé Robert Monroe. J’ai appris des tas de choses intéressantes, car il allait loin dans la recherche. L’institut Monroe est le seul endroit au monde où on a cartographié l’au-delà. Robert Monroe recrutait des personnes douées, comme des médiums, et faisait des expériences avec eux. En sortie hors du corps, on demandait aux gens d’aller identifier des cibles et les résultats étaient probants. La personne qui s’occupait du programme d’exploration – un certain Mac Moneagle – m’a raconté qu’il sortait de son corps pendant la guerre froide. Il devait repérer les installations nucléaires russes et les Russes faisaient la même chose de leur côté… C’était un type passionnant, un militaire. Pour lui, sortir de son corps était normal. L’armée et les états savent que ce phénomène existe, mais on n’en parle pas.
À l’institut Monroe, tu as essayé de sortir de ton corps.
Oui, j’espérais que cela m’aiderait, mais cela n’a pas fonctionné pour moi. En revanche, ma femme y a vécu une expérience extraordinaire. Grâce au procédé Hemisync, sa conscience a voyagé jusqu’à un lieu que les chercheurs du Monroe Institute appellent « The bridge ». Elle s’est retrouvée face à un pont. Là, elle a retrouvé un ami à elle, très cher, qui était mort depuis des années. Il était en train de jouer aux échecs, ce qu’il aimait faire sur terre. Quand il l’a vu, il a été surpris : « qu’est-ce que tu fais là ? ». Son expérience m’a confirmé qu’il est possible de revoir des défunts.
Donc tu n’es jamais sorti de ton corps ?
Si, une seule fois. Je traversais l’Atlantique en voilier. Ça a commencé par un rêve, dans lequel j’ai repris conscience. Le rêve s’est brisé et tout à coup, je me suis retrouvé dans une autre dimension… J’ai rencontré mon âme, mon maître intérieur. Cette expérience m’a vraiment marquée. J’ai essayé de recommencer, mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas pour moi. Je ne me suis pas acharné. Je me suis dit que je vivrai ce que je devais vivre.
À l’époque, tu as interviewé l’expérienceuse Jeanne Guesné, autrice de plusieurs ouvrages consacrés au voyage astral.
Oui. Ce qui était intéressant avec elle, c’est les expériences qu’elle faisait. Par exemple, elle mettait une feuille de papier à cigarette au bord d’un meuble, puis elle sortait de son corps et essayait de la renverser. Quand elle était hors du corps, elle avait l’impression que la feuille tombait, mais quand elle revenait, la feuille n’avait pas bougé. Jeanne m’a parlé du phénomène des projections. Dans l’astral, votre pensée se concrétise immédiatement et l’on perçoit d’abord ce qu’on projette. Raison pour laquelle, les premiers mois, les gens visitent d’abord leur propre inconscient, leur « univers astral personnel ». Un adage ésotérique dit : « on ne va pas sur la terrasse sans être d’abord passé par la cave ». Tant qu’on n’a pas visité nos zones d’ombres, nettoyé notre inconscient, on reste à ce niveau. Dans l’idéal, c’est un niveau qu’il faut dépasser. Pour l’anecdote, j’ai aussi rencontré des personnes pas du tout connues. Jean-Luc Janiziewki sortait de son corps quasiment à volonté. De l’autre côté, il a essayé de demander les numéros du loto : à chaque fois, on ne lui donnait que trois numéros et il entendait un grand éclat de rire, ça remboursait seulement son ticket.
Que retiens-tu de ton enquête ?
La première chose, c’est que sortir de son corps n’est pas quelque chose de dangereux. La plupart des gens ont peur de la possession, que quelqu’un prenne leur place pendant une sortie de corps. Pendant toute mon enquête, je n’ai jamais entendu quelqu’un affirmer qu’une telle chose lui était arrivée. D’autres personnes ont peur de ne plus pouvoir revenir. A priori, ça n’arrive pas. Par contre, sauf exception, on ne décide pas de sortir de son corps, ça fait partie d’un schéma de vie. Il y a des gens qui sont fragiles psychologiquement, ça ne leur est pas conseillé. Ces expériences ne sont pas faites pour tout le monde.
En 2013, tu as publié un roman, Le voyage impossible, aux éditions Sarbacane. Peux-tu nous en parler ?
C’est un roman pour les adolescents et les jeunes adultes : l’histoire d’un adolescent qui pour sauver son père, est obligé de se rendre dans une autre dimension, le monde astral. J’avais l’idée de ce livre depuis au moins vingt ans, mais la sortie hors du corps n’intéressait pas les éditeurs. En 2013, ayant déjà publié plusieurs romans chez Sarbacane, mon éditeur a accepté de publier celui-là. Ecrire cette histoire fut un enchantement.
Dans quelle mesure tes découvertes ont-elles impacté ta vie ?
J’ai appris qu’il faut suivre ses intuitions et ne pas s’en tenir au discours général. La conception française de la spiritualité, de l’au-delà et même de la mort en général, est très attardée… On croit des choses alors qu’on n’en sait rien. Pour moi, il ne faut jamais croire ce qu’on raconte, il faut vérifier les choses par soi-même (c’est d’ailleurs l’enseignement le plus important du Bouddha, que j’ai inscrit en ouverture du roman dont on parlait). Quand j’ai écrit mon livre d’enquête sur la médecine, plus tard, j’ai découvert qu’on enseignait parfois volontairement des choses fausses aux étudiants, c’est un délire ! Par exemple, on apprend encore à la faculté que la zone de Broca est la zone du langage, alors qu’un grand neurochirurgien français spécialiste de l’opération des tumeurs du cerveau, le professeur Duffau, a prouvé le contraire depuis des années en retirant complètement la zone de Broca de plusieurs de ses patients (avocats, cantatrice, etc.) qui continuent pourtant de pouvoir exercer leur métier, donc de parler ! C’est une star dans le monde entier sauf… en France ! De même, le voyage astral, non seulement existe, mais est étudié dans un centre scientifique : l’Institut Monroe.
Selon toi, que faudrait-il pour qu’on parle davantage de ce sujet ?
Les choses évoluent petit à petit, cela se fait naturellement. Je crois surtout qu’il y a des cycles. Le monde n’avance pas de façon linéaire. Dans les années 80, je n’aurais pas parlé de la même façon. On m’aurait dit : « c’est des conneries ». Aujourd’hui, les gens s’ouvrent à nouveau. Les choses évoluent lentement, c’est très lent… Il y a des régressions puis des réouvertures. À chaque fois on gagne un peu de terrain. Résultat : on a aujourd’hui l’air un peu moins barré quand on parle de ça.
Propos recueillis par Julie E.
Deux livres de Jérôme Bourgine


