« Accident, coma, arrêt cardiaque… à l’instant où ils frôlaient la mort, des milliers d’hommes et de femmes ont rencontré des « anges ». Qui sont ces êtres spirituels décrits dans de nombreux récits ? Nous épaulent-ils au quotidien ? Dans cet article, la parole est donnée à celles et à ceux qui ont rencontré leurs guides au cours d’incroyables expériences hors du corps ».
Cet été, le magazine Inexploré aborde la sortie hors du corps, en explorant les hypothèses de plusieurs voyageurs aguerris : Akhena, Sandie Gustus, Rodrigo Montenegro… Intitulé « J’ai rencontré mes guides lors d’un accident », l’article est disponible sur le web pour les abonnés et dans le magazine papier, à la page 62. Dans cet article, Sarah Gronier prend la parole. Sarah est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle est aussi vice-présidente du Groupe des Expérienceurs de la conscience.

Trois questions à Sarah Gronier
Dans ce nouveau numéro d’Inexploré, tu abordes la question des anges dans les expériences de sortie hors du corps. Pourrais-tu éclaircir ce que ces expériences sont pour toi?
Les sorties hors du corps entrent dans la catégorie des phénomènes d’expériences « de conscience modifiée », qualifiées d’« extraordinaires ». Ces « expériences « exceptionnelles » ou « anomales » (tel que les ont conceptualisées et définies les psychologues cliniciens et chercheurs Renaud Évrard[1] et Thomas Rabeyron[2] qui mènent des recherchent depuis près de 20 ans dans le domaine) concernent une grande proportion de personnes puisque d’après les études épidémiologiques, 30 à 50 % de la population disent avoir vécu au moins une fois une expérience de ce type dans leur vie.
Les vécus d’expérience de « sortie hors du corps » sont décrites dans la littérature depuis des millénaires, nous les retrouvons décrites dans certains textes philosophiques (Platon), poétiques (Goethe) ou sacrés. Les témoignages de ces vécus sont aujourd’hui objet d’intérêt scientifique dans le champ des neurosciences, de la neurophysiologie, de la psychologie clinique ou encore de la psychanalyse. Le sujet qui en fait l’expérience peut la vivre de façon plus ou moins intense dans des vécus spontanés comme lors de vécus critiques ou d’urgence vitale que l’on nomme les Expériences de Mort Imminente (EMI), lors d’ un accouchement difficile, dans le sommeil (voyage astral), dans des pratiques méditatives ou de transe ou encore dans le yoga nidra et même lors d’orgasmes.
Il est important de souligner qu’à ce jour, aucune étude ne valide de lien entre pathologie et expériences exceptionnelles. Elles ont très souvent un impact sur le sujet, elle force à redynamiser une mécanique psychique interne encore plus si elle est vécue positivement. Un travail d’intégration se met en place.
La sortie hors du corps a-t-elle nécessairement des effets positifs?
A ce jour, une toute nouvelle étude[3] publiée dans Neurosciences and behaviour Rewiews, montrent des effets très positifs significatifs et durables de la sortie de corps sur la psychologie et la personnalité du sujet qui les expérimente comme une augmentation de l’empathie à l’égard d’autrui, une plus grande connexion à l’égard du monde et du reste de l’univers, une plus grande conscience. « Nous explorons l’idée que les SHC peuvent engendrer ces changements par la dissolution de l’ego, qui favorise un sentiment profond d’unité et d’interconnexion avec les autres », écrit l’équipe dirigée par la neuroscientifique Marine Weiler. En effet, cette étude toute récente, ma clinique ainsi que les témoignages des expérienceurs que nous récoltons au GEC, montrent des changements internes assez marquants que nous pouvons tenter d’analyser.
Nous constatons les SHC peuvent avoir un effet transformateur : selon cette étude, 55 % des personnes qui en font l’expérience déclarent avoir été profondément transformées par la suite, tandis que 40 % d’entre elles considèrent l’OBE qu’elles ont vécue comme la plus grande expérience de leur vie. Elles provoquent chez le sujet qui le vit un émoi d’une grande intensité. Le vécu subjectif est ressenti dans un sentiment profond d’une réalité toute autre qui n’est pas ressenti comme un rêve, une rêverie ou une hallucination visuelle. Le sujet a la sensation cénesthésique de sortir de son corps physique, doublée d’une lucidité de le vivre et d’une conscience de son identité et de son environnement. Il « sait » également qu’il n’est plus dans son corps. « Le sentiment de soi n’est plus centré sur le « moi » et est perçu davantage comme un processus que comme une entité distincte », écrivent les chercheurs. Les vécus sont d’une variété infinie et pourtant certains aspects phénoménologiques se retrouvent : c’est une expérience qui ouvre sur un potentiel vertigineux de créativité et mystère. Les frontières entre le Soi et la matière se voient brouillées ou poreuses, l’expérience amène la personne aux limites de sa subjectivité.
D’après nos témoignages recensés au GEC, il semble que les expériences extraordinaires de sortie de corps sont transformatrices, créatives et « énergétiquement » impactantes. Les témoins ou expérienceurs expriment un vécu subjectif où il ne « doutent pas d’avoir eu toutes les sensations corporelles de sortir de leur corps puis d’être dans un autre corps d’énergie », capable de faire beaucoup de choses comme pouvoir voler, traverser les murs, sentir ou voir des entités ou aller dans des dimensions « autres », et pour certains rencontrer son ange gardien. La lucidité est très présente et la pensée du sujet fonctionne « presque » normalement. L’intensité de l’expérience laisse des impacts sur le court terme (impression d’être redynamisé ou au contraire vidé mais plus rarement), il semble faire bouger les limites des instances du psychisme avec une dissolution de l’ego. Ces expériences semblent modifier le sentiment d’identité, les idéaux, le narcissisme, le surmoi et son rapport à soi et son rapport à l’autre et au monde. Le sujet sent que son Soi est un processus dynamique sur lequel il peut avoir une pensée.
Que sait-on des mécanismes internes qui régissent ce phénomène?
En ce qui concerne les mécanismes à l’origine de ce phénomène, l’étude indique que la jonction temporo-pariétale (TPJ) est une région du cerveau qui pourrait être impliquée. La jonction temporo-pariétale gère notre perception de l’espace physique ainsi que les données sensorielles, et des dysfonctionnements dans cette région ont déjà été associés à des SHC. Aussi, nous pouvons noter que ces phénomènes semblent être liés à un potentiel assez naturel. Ce sont des états que nous pouvons nous même créer. Aujourd’hui, beaucoup de psychanalystes re-questionnent la localité du psychisme et sa porosité avec l’environnement. De plus en plus d’études scientifiques valident positivement les phénomènes paranormaux.

Sarah Gronier est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Vice-présidente du GEC, elle a longtemps travaillé en institution et travaille aujourd’hui en libéral au Luxembourg.
[1] Évrard R. (2023). Phénomènes inexpliqués, Human Science, 2023
[2] Rabeyron T. (2020). Clinique des expériences exceptionnelles. Dunod, Paris.
[3] Weiler M., David J. Acunzo, Philip J. Cozzolino, Bruce Greyson (2024) Exploring the transformative potential of out-of-body experiences: A pathway to enhanced empathy, Neuroscience & Biobehavioral Reviews
