Imad habite dans le sud de la France, il est chirurgien. Sa première sortie hors du corps s’est produite en février 2023. Depuis, il a vécu une quarantaine d’expériences.
Un chirurgien qui sort de son corps, ce n’est pas banal…
(Rires). C’est vrai que le chirurgien est l’incarnation de l’extrême matérialiste. En plus, j’ai un master de bio-statistiques et de recherche clinique, c’est une formation qui nous apprend à « fabriquer » des preuves scientifiques. Mais à côté de ça, j’ai grandi en Algérie et j’ai aussi baigné dans la culture orientale. Même si ma famille était pragmatique, le paranormal faisait partie du quotidien, car dans l’environnement culturel, il est accepté que nous ne sommes pas qu’un corps physique et que nous avons une âme. On admet aussi l’existence de mondes parallèles, avec notamment trois mondes : le monde physique, les paradis (l’au-delà) et un monde entre-deux, celui qui contient les djinns, des sortes de créatures intermédiaires. En Algérie, il arrive souvent que les gens te parlent de mauvais œil, de mauvais sorts. Quand j’étais petit, j’entendais ces trucs avec les copains, ou dans les grandes réunions familliales, ça m’intriguait.
Comment t’es-tu intéressé à la sortie hors du corps ?
Le phénomène est apparu lors d’une démarche exploratoire, pendant le COVID. En 2021, je me suis penché sur les thérapies psychocorporelles. J’explorais notamment le lien au corps, avec la pratique du Focusing. C’est une méthode inventée par Eugène Gendlin, un psychologue de Chicago dans les années 70, qui permet d’ouvrir une sorte de dialogue avec le corps. À ce moment-là, je lisais beaucoup de philosophie en particulier Platon, puis je me suis mis à pratiquer la méditation, quand je me suis rendu compte que les pré-socratiques comme Pythagore étaient plus proches de chamanes que de professeurs en philosophie. Je me suis aussi intéressé aux NDE (ndlr. Expériences de mort imminente) et aux rêves lucides, parce que c’est la première chose que l’on trouve quand on s’intéresse à ce qu’il y a au-delà de cette réalité. Puis la sortie hors du corps m’a paru être la suite logique. Les témoignages étaient tellement ubiquitaires et les profils différents j’ai voulu tester par moi-même. C’était en février 2023.
Alors tu as commencé à pratiquer des techniques…
J’ai d’abord fait des recherches et je suis tombé sur la méthode de Michael Raduga. Comme il le préconise, j’ai fait des tests de réalité pendant la journée, puis un Wake Back To Bed après 6 heures d’endormissement. Ensuite, j’ai essayé à chaque micro-réveil une technique de visualisation. La deuxième nuit, la technique a fonctionné. J’ai ressenti comme une angoisse, des palpitations dans le cœur qui m’ont fait assez peur. Je ne ressentais pas de vibrations, mais un truc dans la poitrine que je ne saurais pas expliquer. Là, j’ai basculé en avant et je me suis retrouvé debout au pied de mon lit. J’ai regardé mes mains et elles étaient… on aurait dit un orage électrique de couleur bleue. Ça ne me faisait pas mal, c’était des sortes de filaments en mouvement qui partaient dans tous les sens. Je ne sais pas trop si je flottais, mais je ne tenais pas sur mes jambes, comme un bébé. Je tanguais de droite à gauche, je n’avais plus d’équilibre. J’ai alors pris conscience que j’étais hors de mon corps. Cette idée m’a mis dans une grande euphorie, et cette euphorie, il me semble, m’a ramené dans mon corps. J’ai vraiment eu la sensation de tomber en arrière et j’ai tout de suite ouvert les yeux, sans aucune perte de lucidité. Il était cinq ou six heures du matin, j’avais envie de réveiller la terre entière pour dire au monde que « tout cela est vrai » ! Dans les faits, je n’ai même pas osé réveiller ma femme qui dormait à côté…
Comment se sont passées tes premières sorties ?
Après cette expérience, j’ai poursuivi mes essais, puis j’ai lu le livre de Marc Auburn et celui d’Akhena. Je suis tombé sur les vidéos de Borvo, le blog de Liju… tout cela m’a beaucoup motivé. Dans les jours qui ont suivi, d’autres sorties se sont produites. En fait, mes premières sorties étaient assez « physiques », dans un monde qui ressemble au nôtre, mais avec des incohérences, comme des objets qui ne sont pas à la bonne place. Par exemple, je me suis déplacé un jour dans la cuisine et la fenêtre donnant sur l’extérieur était grande ouverte. Ce n’était pas normal, puisque je l’avais fermée. Quand je me suis réveillé le lendemain, la fenêtre était effectivement fermée, mais j’ai découvert ensuite qu’on avait oublié de fermer la porte d’entrée en rentrant la veille… Cette coïncidence m’a troublé. Les premiers mois, je vivais une expérience tous les 10 ou 15 jours. J’ai été particulièrement marqué par un phénomène que j’ai ressenti une fois et que certains appellent l’« état vibratoire ». Après avoir pratiqué pendant une semaine une technique désignée par l’acronyme V.E.L.O., j’ai été réveillé en pleine nuit par des sensations très fortes : c’était comme des secousses qui me traversaient le corps, de la tête aux pieds, mais sans douleur. L’image qui me vient pour décrire cet état est un lave-linge cassé, j’étais secoué de partout, et en même temps complètement paralysé. Comme j’avais entendu parler de l’état vibratoire, je n’ai pas eu peur, j’ai laissé faire. Je ne suis pas sorti de mon corps, car j’ai fini par bouger physiquement, mais dans les trois ou quatre jours qui ont suivi, j’ai ressenti une énergie débordante, autant physique que mentale. Je me sentais sympa, intelligent, vif, plein d’espoir. Cela a eu un vrai impact physiologique et psychique. Par la suite, j’ai vécu d’autres états avec de petites vibrations, mais je n’ai jamais ressenti un état vibratoire aussi puissant. En février dernier, j’ai eu un énorme gap : impossible de sortir de mon corps pendant plus de quatre mois. C’est peut-être dû à des changements professionnels qui m’ont demandé beaucoup d’implication.
Étant donné ton parcours scientifique, as-tu tenté d’expliquer ces expériences à travers un prisme matérialiste ?
Oui et non. Même si je suis chirurgien, j’ai un vrai problème avec le matérialisme réductionniste. C’est un modèle qui ne tient pas, et qui dans quelques années sera de l’ordre de la préhistoire. Toutefois, j’ai quand même souhaité relire les références de ce paradigme, notamment la théorie du lobe temporo-pariétal d’Olaf Blanke et tout ce qui relève de l’illusionnisme de Susan Blackmore. Je n’ai pas été convaincu par ces théories, alors je me suis penché sur les travaux de personnes plus ouvertes comme Robert Peterson, un informaticien très pragmatique qui pratiquait la sortie hors du corps, et surtout ceux de Tom Campbell, un physicien qui a travaillé à la NASA et qui est aussi l’un des fondateurs de l’institut Monroe. La théorie de Tom Campbell est passionnante. Pour lui, la conscience est fondamentale et la réalité est une simulation. Je me suis aussi intéressé au point de vue de personnes qui abordent la sortie hors du corps d’une manière empirique, hors de tout contexte spirituel ou culturel. C’est ce qui m’a poussé à lire les travaux de l’IAC (ndlr. Académie internationale de la conscience) sur la « bioénergie ». Pour moi, les membres de l’IAC sont assez neutres. Ils ont même inventé leur propre terminologie pour se dépouiller de tout bagage culturel.
À titre personnel, as-tu tenté d’obtenir des preuves de la réalité de tes sorties ?
Oui, mais c’est un échec total ! (rires). À un moment donné, je demandais à ma femme de mettre un feutre de couleur sur son bureau. Chaque nuit, j’essayais de voir la couleur. Mais quand j’arrivais face au bureau, je trouvais des tonnes d’objets, impossible de voir le feutre. Je me demande si cet échec n’est pas dû à un problème de fréquence. Cela me fait penser aux fréquences radio. Lorsqu’on essaie de se brancher sur la fréquence du monde physique, on n’y arrive jamais complètement, on voudrait mettre la fréquence 83.2, mais on reste sur la 83.3. En sortie hors du corps, j’ai remarqué qu’il y a souvent des distorsions de l’espace et du temps ainsi que des déformations. Il est aussi difficile de voir la limite entre soi et les choses. Hors du corps, il y a des morceaux de soi qui sont projetés sur le monde et des choses qui entrent en soi. Alors si tous les repères partent en vrille, comment peut-on retrouver un feutre ? (rires). Ça ne m’a pas découragé. Je n’avais pas de preuve objective, mais dans mon vécu, c’était indéniable. Dès ma première sortie hors du corps, je n’avais plus de doute.
Quelle est l’expérience la plus forte que tu aies vécue ?
Il s’agit d’une expérience sous la forme d’un point de conscience. En fait, j’ai vécu un début de sortie de corps assez classique. Je titubais près de mon lit et je me suis dirigé vers la porte. Il faisait complètement noir. Je ne sais pas comment j’ai fait, j’ai projeté un quadrillage vert qui m’a permis de me déplacer jusqu’au séjour. Ensuite, je me suis jeté dans le couloir (je me déplace souvent par une sorte de propulsion vers l’avant), où j’ai enfin commencé à voir. Bizarrement, je me suis retrouvé ailleurs : dans une maison de mon enfance, celle de mes grands-parents. C’était le même couloir que celui que j’empruntais quand j’étais petit. C’est là que les choses perchées commencent… (rires). Je vois au bout du couloir une sorte de grosse panthère jaune avec des taches noires. Elle me fait face. Elle avance vers moi comme si elle allait m’attaquer. Spontanément, je me mets à quatre pattes pour avancer vers elle. Quand on arrive au même niveau, nos têtes commencent à se frôler. On reste un moment dans cette position, comme si on se reconnaissait, en se disant bonjour. Là, il m’arrive un truc très bizarre : après avoir passé la panthère, j’ai l’impression de sortir de mon corps une deuxième fois. Je refais une sortie dans la sortie. Sauf que cette fois, je deviens un point de conscience. Je n’avais plus la sensation d’être Imad, j’étais un autre moi, un vrai moi : comme si je venais d’enlever un déguisement. Je n’avais plus les mêmes schémas de pensée ni les mêmes émotions. J’avais la curiosité d’un petit enfant, mais aussi la sagesse d’une personne âgée de mille ans. C’était comme une remémoration : j’avais l’impression d’être redevenu à mon état normal, qui est plus normal que la normalité de ma vie actuelle. Surtout, je ressentais une joie incommensurable, un amour de moi-même et des choses qui était sans bornes. Rien que d’en parler, j’ai des frissons. J’étais en fusion avec mon environnement : j’étais en lien direct avec ce qui m’entourait, il n’y avait plus de séparation ou de dissociation. Cela ne veut pas dire que je n’avais plus d’identité ou que j’étais dissous dans le tout : je restais moi-même, mais connecté à tout. C’est alors que je me suis dirigé vers le fond du couloir. Des rayons de soleil passaient à travers les persiennes. Je me suis fondu dans cette lumière, j’ai ressenti la chaleur de cette lumière, une chaleur émotionnelle, comme une mère enveloppante. Quand je me suis retrouvé dehors, il y avait un vieil eucalyptus, un énorme arbre que j’ai connu dans mon enfance, mais qui a été coupé depuis. Dès que je l’ai vu, j’ai eu l’impression qu’il ouvrait ses branches et ses feuilles en vibrant. On aurait dit un vieil ami m’accueillant à l’aéroport après une longue séparation. J’ai senti que je me suis ouvert et que j’ai vibré comme lui. J’ai ressenti de l’amour. Je sais que ce terme est galvaudé, c’était un amour que je n’arrive pas à décrire. C’était tellement intense émotionnellement que l’expérience s’est arrêtée. Après cela, j’ai ressenti pendant plusieurs jours une sorte de nostalgie. J’avais les larmes aux yeux, la gorge serrée. J’avais envie de dire aux gens : « si vous saviez ce qu’on est de l’autre côté ! ». Je ne supportais plus les mesquineries, les futilités de la vie, ça n’avait plus de sens.
Est-ce que tu oses en parler à ta famille, tes amis, tes collègues ?
J’ose en parler à mes proches. Pour les collègues, j’en parle uniquement dans des moments d’intimité, quand je sens qu’il y a une sensibilité. Dans le domaine de la médecine, il y a beaucoup de tabous, encore plus en chirurgie.
Dans quelle mesure la sortie hors du corps a-t-elle transformé ta vie ?
On dit souvent que ces pratiques sont des « trucs de perchés », qu’elles nous déconnectent de la réalité, mais je trouve que c’est le contraire qui se produit. Avec la sortie hors du corps, je suis devenu plus sensible aux cycles de mon corps, aux rythmes du sommeil, aux éléments environnementaux, aux personnes que je rencontre… Toutes ces choses ont un impact sur ma pratique, ce qui m’oblige à être plus ancré, plus attentif aux choses qui m’entourent. D’ailleurs, je sais maintenant qu’il y a tout un monde que nous ne voyons pas et qui nous influence. Alors je me demande toujours : comment prendre des décisions en conscience ? J’essaie de comprendre et de naviguer dans ces interactions. J’essaie aussi de développer mon intuition, de ressentir les choses plus facilement, grâce à la méditation. D’un point de vue intellectuel, la sortie hors du corps nous invite continuellement à construire et à déconstruire notre propre paradigme. Avec ce que je vis, je remets sans cesse en perspective mon système de croyances. La sortie hors du corps me rappelle qu’il y a beaucoup plus derrière les choses que ce que montrent les apparences. Pour moi, elle apporte une connotation sacrée aux choses de la vie. Je respecte davantage la vie, l’humain, les souffrances et les épreuves de chacun.
Propos recueillis par Julie E.
Le GEC récolte des témoignages sur les sorties hors du corps (SHC), à des fins de partage et d’objectivation du phénomène. Vous souhaitez témoigner? Remplissez notre formulaire en ligne. Pour encourager nos actions, vous pouvez également faire un don sur notre plateforme sécurisée.
