Julie Ewa a 34 ans. Cofondatrice et présidente du GEC, elle a vécu sa première sortie hors du corps en 2021. Elle livre aujourd’hui son témoignage : « une exploration autobiographique – sur les routes… et hors de son corps. Une quête existentielle, philosophique et lumineuse, qui interroge notre rapport à la conscience, à la mort, et à ce qui pourrait bien nous survivre. »
Article paru dans la revue 22 rue Huyghens
Pourquoi avoir choisi de raconter vos expériences de « sortie de corps » ?
Pour commencer, je dirais que je n’ai pas vraiment choisi de les vivre. Ces expériences me sont tombées dessus, du jour au lendemain, sans que je ne cherche à les provoquer. Un matin, en me réveillant, de fortes vibrations m’ont envahie et je me suis retrouvée hors de mon corps, à flotter au-dessus de moi-même. Le choc a été immense. J’ai cru que j’étais morte. Heureusement, j’ai rapidement réintégré mon corps et j’ai rouvert les yeux. Les jours suivants, l’expérience s’est reproduite. Une fois, deux fois, puis chaque semaine pendant des mois. Pour le dire autrement, je suis « sortie de mon corps » plus de cent cinquante fois en deux ans, ce qui paraît complètement fou… Alors bien sûr, je me suis interrogée. Mes décorporations sont-elles des rêves ? Des hallucinations ? Suis-je en train de perdre pied ?
Très vite, j’ai ressenti le besoin de comprendre ce qui m’arrivait. Je me suis mise en quête de preuves que je n’hallucinais pas. Mon esprit peut-il réellement quitter mon corps ? Peut-il s’extraire du cerveau et voyager sans lui ? Avec le soutien de ma meilleure amie, j’ai mis en place de petits protocoles : tenter de percevoir un objet à distance, me rendre dans un lieu que je ne connaissais pas… Je ne pensais pas que cette exploration me mènerait aussi loin. Ce que j’ai découvert m’a bouleversée, je devais le partager !
Dans Au-delà, vous mêlez road trip en van et incursions « de l’autre côté ». Que vous ont appris ces allers-retours entre monde tangible et monde invisible ?
Vivre dans un van a été une chance. Cela m’a permis de rester ancrée dans un quotidien simple et concret, tout en ayant la liberté de me déplacer au gré de mes envies. Quand le phénomène de sortie hors du corps est apparu dans ma vie, j’ai immédiatement ressenti le besoin de rencontrer d’autres personnes dans ma situation. En faisant quelques recherches sur internet, j’ai réalisé que nous sommes des milliers, peut-être des millions dans le monde avoir vécu ce type d’expérience… . J’en suis restée stupéfaite. Qui sont ces hommes et ces femmes qui affirment sortir de leur corps ? Que vivent-ils ? Quelles sont leurs découvertes ? Alors je suis partie sur les routes pour aller à leur rencontre. Beaucoup n’en parlent qu’à demi-mot, par peur du jugement. D’autres développent des techniques pour maîtriser le phénomène. De mon côté, je n’ai jamais perdu de vue ma quête de preuves. La conscience peut-elle exister indépendamment du corps ?
Pourquoi avoir accepté de participer à une expérience scientifique ?
J’ai étudié la philosophie et toujours nourri un attrait pour la science. Mon esprit est rationnel et prudent : j’ai besoin de comprendre, de vérifier, de tester la validité de mes croyances. La sortie hors du corps est un défi pour la science actuelle. Si la conscience est capable de s’extraire du cerveau, alors il devient légitime de penser qu’elle n’en est pas une simple production et qu’elle peut exister de manière autonome. Cette hypothèse est gigantesque, car elle bouscule nos modèles scientifiques. Aujourd’hui, un nombre croissant de chercheurs s’intéressent aux phénomènes dits « exceptionnels », comme les expériences de mort imminente ou les sorties hors du corps. Mais ces recherches restent encore marginales, faute de financements et de volontaires pour tester les protocoles. J’ai accepté de devenir cobaye, car mes expériences me font dire qu’un nouvel horizon se dessine pour la science. En développant d’autres outils, d’autres approches, elle découvrira peut-être que le paradigme matérialiste est obsolète.
En quoi votre récit peut-il transformer notre rapport à la mort… et à la vie ?
Ce que j’ai vécu – et que je continue de vivre de manière plus occasionnelle – soulève des questions fondamentales. L’esprit existe-t-il indépendamment de la matière ? Sommes-nous dotés d’une âme ? Et si oui, que devient-elle après la mort ? La sortie hors du corps interroge à la fois la nature de la conscience et celle de la réalité. Elle ne livre pas de réponses définitives, mais elle ouvre des pistes de réflexion puissantes, qui peuvent modifier notre manière de concevoir l’existence. C’est cette ouverture-là que je souhaite transmettre : une vision plus vaste, plus lumineuse, peut-être plus apaisée… de la vie et de la mort.
Propos recueillis par Virginie Luc pour la revue 22 rue Huyghens.

